Portrait de Jean-François Courtine - Philosophie - Espace pédagogique académique

Portrait de Jean-François Courtine

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 Biographie

Jean-François Courtine (1944- ), agrégé de philosophie, a soutenu sa thèse de doctorat d’État ès lettres en 1987 sous la direction de Pierre Aubenque avec pour sujet : "Ontothéologique et topique de l’analogie. Le tournant suarézien. Étude sur la formation du système de la métaphysique scolaire". Il a été chargé de recherches puis directeur de recherches au CNRS (Centre Léon Robin, Centre de recherches sur l’histoire de la pensée antique, Université Paris-Sorbonne), également professeur à l’université de Poitiers de 1988 à 1990, et de 1990 à 1998, professeur à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm à Paris, où il a dirigé le Centre de recherches (UMR 8547 ENS – CNRS, "Archives Husserl de Paris"), de 1987 à 2009. Enfin, il fut professeur d’histoire de la philosophie contemporaine à l’Université Paris IV-Sorbonne jusqu’à sa retraite en décembre 2013. Il est également membre sénior de l’Institut universitaire de France à la chaire d’ontologie et de théorie de l’objet depuis 2002.

Deux journées d’études des Archives Husserl, organisées par P. Büttgen et J-B. Rauzy, lui ont été consacrées les 31 mai et 1er juin 2013 intitulées : Philosophie et longue durée. Autour du travail de Jean-François Courtine”, qui ont permis de faire le bilan (partiel) d’une carrière intellectuelle exigeante et raisonnée, tant par ses propres publications autour de la phénoménologie et de la métaphysique, que par ses choix de traduction (Schelling, Heidegger, Hölderlin, A. Meinong, E. Lask) et de collaboration à des œuvres collectives autour des mêmes centres d’intérêts : phénoménologie, logique, ontologie. Mais également par son implication en tant que directeur littéraire de collections aux éditions Vrin à la suite d’Henri Gouhier avec les collections « Bibliothèque des Textes philosophiques », et « Bibliothèque d’histoire de la philosophie », « Problèmes & Controverses », ainsi que les collections « Textes & commentaires » ou « Études & Commentaires », dont il fut l’initiateur.

 Jean-François Courtine, historien de la philosophie

Ancien élève de Jean Beaufret et de Pierre Aubenque, son orientation philosophique fut incontestablement marquée par la figure de Martin Heidegger. Son ensemble d’études sur les rapports de Heidegger et la phénoménologie marque le tournant de la déconstruction de la tradition métaphysique par l’herméneutique heideggérienne au regard de la cause phénoménologique.

L’historiographie de cette tradition métaphysique débuta avec sa thèse sur le philosophe et théologien scolastique Francisco Suarez dont est issu un livre portant sur l’inscription de celui-ci dans le système de la métaphysique (1990), complété par des études sur l’anthropo-théologie suarézienne (1999). Ce moment historial contribua à l’invention de l’ontologie examinée sur une plus longue période avec le recueil d’études de philosophie ancienne et médiévale portant sur les catégories de l’être : chez Aristote, Boèce et les auteurs latins, Jean Scot Erigène, Descartes, Leibniz, et au prisme de leurs lecteurs modernes comme Schelling, Brentano, Heidegger…(2003). Inventio analogiae. Métaphysique et ontothéologie (Vrin, 2005) expose selon une méthode archéologique l’élaboration pluri-séculaire de la doctrine de l’analogie de l’être, par un retour rétrospectif de Heidegger à Platon, Aristote, Albert-le-Grand, Thomas d’Aquin, Cajétan, Suarez.

Ce panorama d’approches témoigne de l’ampleur des recherches de Jean-François Courtine et de sa contribution au vocabulaire analogique de l’être et à sa problématique catégoriale. Ce qui se dessine à travers ces éclairages historiques en coups de sonde, en analyses micrologiques, est une réévaluation du projet phénoménologique qui ne se réduise pas à son historicisation, mais témoigne de la pluralité irréductible des acceptions de l’être.

Son enseignement universitaire reflétera cette préoccupation centrale à travers l’histoire de la philosophie allemande après Kant, la phénoménologie, la métaphysique autour du vocabulaire de l’être et la doctrine des catégories, l’’histoire de l’ontologie et la théorie de l’objet.

Ainsi, plus récemment avec La cause de la phénoménologie (PUF, 2007), Levinas, la trame logique de l’être (Hermann, 2012), Schelling entre temps et éternité. Histoire et préhistoire de la conscience (Vrin, 2012) et Archéo-Logique. Husserl, Heidegger, Patocka (PUF, 2013), se poursuit l’enquête sur la possibilité d‘une ontologie phénoménologique dans les pas de Heidegger mais aussi à la suite de Brentano, Husserl, Lask, Meinong, en particulier autour de la question de la temporalité humaine - diachronique chez Levinas, immémoriale chez Schelling, qui consiste en la réouverture d’un rapport herméneutique aux choses et au monde, en-deçà de la logique et de la grammaire de l’être. Nouvelle pensée ou poétique – l’auteur a traduit et préfacé des œuvres de Hölderlin (1993, 2006) – la phénoménologie, dans ses problématiques communes avec la philosophie analytique (intentionnalité, catégorisation, perception, attention, imagination, signification pré-linguistique, acte de langage, conscience et conscience de soi, etc.) et par delà leur confrontation récente, reste, au-delà de sa tradition maintenant centenaire, en un sens positif, inachevée.

 Jean-François Courtine, directeur littéraire de collections

Parallèlement à ses recherches personnelles liées à son enseignement, en tant que directeur littéraire de collections - pendant plus de trente ans – chez Vrin, dédiées à l’histoire de la philosophie (« Bibliothèque des textes philosophiques » , « Bibliothèque d’histoire de la philosophie ») et à ses problématiques (« Problèmes & controverses »), sa contribution à l’étude de la philosophie a pu trouver là une extension intellectuelle significative. Notamment sa contribution dans le domaine germanique, par de nombreuses traductions et études, a comblé des lacunes de l’édition française concernant le néokantisme (Cohen, Natorp, Cassirer, Rickert, Windelband, Lask, Cohn), l’école de Brentano (Husserl, Stumpf, Erhenfels, Meinong, Twardowski, Marty) , de façon plus générale la philosophie autrichienne de Bolzano à Musil, avec la réédition par exemple de la Psychologie du point de vue empirique de F. Brentano (2008). Toutes ces écoles ont eu une influence majeure en théorie de la connaissance, permettant d’éclaircir le schisme analytico-phénoménologique à l’orée du XXe siècle (sous-titre de l’ouvrage intitulé Rhin et Danube paru en 2010).

Les études collectives sur le fondateur de la phénoménologie, Husserl, et les différentes époques de Heidegger ont été prolixes. On peut citer dans la collection Problèmes & controverses le Heidegger 1919-1929. De l’herméneutique de la facticité à la métaphysique du Dasein (1996), Le jeune Heidegger 1909-1926 (2011). Dans la collection Etudes & commentaires l’Introduction à la métaphysique de Heidegger (2007), Lectures de la Krisis de Husserl (2008), Les Méditations cartésiennes de Husserl (2008), dans la collection Textes & commentaires La controverse Idéalisme-Réalisme de Ingarden avec Husserl (2001), Les conférences de Cassel de 1925 de Heidegger (2003). Des études renouvelant le champ phénoménologique ont été soutenues. Par exemple L’a priori conceptuel. Bolzano, Husserl, Schlick, de Jocelyn Benoist (1999), La phénoménologie en questions. Langage, altérité, temporalité, finitude, de Françoise Dastur (2011).

Indépendamment du courant phénoménologique, ces collections précitées couvrent un large champ de la philosophie, de l’antiquité à Wittgenstein et au-delà, des problématiques conceptuelles aux problèmes éthiques et sociétaux contemporains, du commentaire de textes classiques ou de textes oubliés. On peut noter la fidélité à des auteurs déployant une œuvre au fil de leurs essais, ainsi que le souci de traduire ou de présenter des philosophes qui furent des jalons importants comme Alexandre d’Aphrodise, Duns Scot, F. Brentano, etc. pour n’en citer que quelques uns.

Lien pour accéder à sa page de professeur à l’Université Paris IV- Sorbonne

Lien pour accéder à la page de lauréat du Grand Prix de Philosophie de l’Académie française en 2013 pour l’ensemble de son œuvre.