LE DÉTERMINISME EN QUESTION (I) par Bernard PIETTRE

par M. Bernard PIETTRE, professeur honoraire de philosophie en classes préparatoires, qui nous fait ici l’honneur et le plaisir de partager une méditation sur la question du « déterminisme » dans les sciences et en philosophie. Qu’il en soit très chaleureusement remercié !

 

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Bernard PIETTRE

Bernard PIETTRE (né en 1950), agrégé de philosophie, professeur honoraire de philosophie en classes préparatoires, ancien directeur de programme au CIph de Paris (2001-2007/Philosophie, Mathématiques et Musique de Platon à nos jours) est l’auteur de nombreuses traductions de Platon (éditions Nathan, Hachette, Hatier). Il a également publié "Philosophie et science du temps" aux PUF collection "Que sais-je" (1994) ainsi que "Philosophie et musique chez Platon" édition C.N.D.P. (Paris, 1996). Il a reçu le Prix de composition de musique électroacoustique au C.N.R. d’Amiens en 1989 (source : www.imeb.net/www.babelio.com). Il est enfin l’auteur de divers articles d’épistémologie, notamment un article sur le « Temps et son irréversibilité » consultable sur notre site, qui a donné lieu à une conférence en oct. 2019 à Langres).

 

I - DÉTERMINISME ET MÉCANISME

 

INTRODUCTION

 

Le déterminisme est une notion qui n’apparaît guère poser de problème tant elle paraît liée à l’existence des sciences, au moins des sciences dites dures, voire des sciences humaines. Elle pose au philosophe la question du caractère éventuellement illusoire de la liberté humaine. Comme la notion de liberté est elle-même problématique, elle ne gêne guère le scientifique. Mais la notion de déterminisme est-elle justement si claire que cela, dans le champ de la science elle-même et de son histoire ?

 

C’est au XIXe siècle que le terme « déterminisme » apparaît ; ainsi avec Claude Bernard :

 

 

« Il faut croire à la science c’est-à-dire au déterminisme, au rapport absolu et nécessaire des choses. » (…) Il faut admettre comme un axiome expérimental que chez les êtres vivants ainsi que dans les corps bruts les conditions d’existence de tout phénomène sont déterminées d’une manière absolue. Ce qui veut dire en d’autres termes que la condition d’un phénomène une fois connue et remplie, le phénomène doit se reproduire toujours et nécessairement, à la volonté de l’expérimentateur. Le nécessité de cette proposition ne serait rien autre chose que la négation de la science elle-même. » [1]

 

 

De même, pour Henri Poincaré, la science est déterministe ou elle n’est pas :

 

 

« La science est déterministe, elle l’est a priori ; elle postule le déterminisme parce que sans lui elle ne pourrait l’être. Elle l’est aussi a posteriori ; si elle a commencé par le postuler comme une condition indispensable de son existence, elle le démontre ensuite en existant, et chacune de ses conquêtes est une victoire du déterminisme. » [2]

 

 

Le mot déterminisme s’oppose à celui d’indéterminisme. La science refuse a priori qu’il y ait de l’indétermination dans les phénomènes de la nature. Un phénomène est déterminé quand on connaît ce qui le détermine à se produire. Une fois les conditions de l’apparition d’un phénomène connues, la possibilité de prévoir la réapparition du phénomène, dès lors qu’on est en présence de ces mêmes conditions, ne souffre aucune exception. Il n’y a pas de raison a priori que tout ne soit pas l’objet d’une connaissance scientifique et, comme tel, déterminable, calculable, et partant prévisible. C’est ce qu’on peut vérifier ensuite expérimentalement, a posteriori.

 

Si des choses résistent à la possibilité de devenir objet de science, et donc à être connues de manière déterminée, ce serait en raison de leur complexité, d’une infinité inextricable de relations causales. Il est plus simple de prévoir le comportement de la Lune autour de la Terre, les dates à venir de ses éclipses (et les lieux sur la terre d’où elles seront visibles) que de prévoir le comportement d’un homme (ou d’une société humaine), ou encore que de prévoir, dans le domaine des sciences du vivant, le devenir d’un individu depuis sa naissance jusqu’à sa mort, comme l’avenir d’une espèce. On comprend d’ores et déjà que l’attitude scientifique, si elle est bien déterministe, semble présupposer qu’il n’y a pas de raison a priori que le comportement des êtres vivants, et des hommes ne soit pas, dans l’absolu, parfaitement déterminable et déterminé. Mais il s’agit d’une pétition de principe.

 

Poincaré dit : la science postule le déterminisme, c’est-dire demande de l’admettre comme une vérité, sans à avoir à le démontrer. De son côté Claude Bernard parle de croyance : « il faut croire à la science,– c’est-à-dire au déterminisme, au rapport absolu et nécessaire des choses ». Claude Bernard et Henri Poincaré adoptent l’un et l’autre en réalité un parti-pris, un présupposé de nature philosophique. Le devoir du philosophe est de les interroger.

 

Commençons déjà par établir des distinctions élémentaires qui vont aider à dissiper certaines confusions qui entourent la notion de déterminisme.

 

  1. La notion de déterminisme ne saurait se confondre avec la notion de nécessité au sens du fatum ou du destin. Souvent les élèves en classe de philosophie, par exemple, ont du mal à faire la distinction entre déterminisme et fatalisme. Mais autant je ne saurais échapper au destin, quoi que je fasse (Œdipe ne peut échapper à son destin, alors même que ses parents apprenant le sort qu’il était appelé à subir s’étaient empressés de se débarrasser de lui à la naissance) ; autant, quand je connais que telle cause entraînera tel effet, je peux agir en conséquence.

     

    Un destin est sans raison, alors que je peux connaître la raison qui fait que telle cause entraînera nécessairement tel effet . Dès lors, pouvant prédire un phénomène, je peux éventuellement l’empêcher. Bien sûr je ne peux empêcher qu’il pleuve demain mais je peux prévenir la contraction de telle maladie, etc. Par contre je ne peux que subir le destin. Autant le fatalisme exclut la liberté, autant le déterminisme la suppose. Cela paraît relever d’une lapalissade ; et pourtant la négation de la liberté au nom de la science (dure ou molle), par essence déterministe, reste monnaie courante.

     

  2. La notion de déterminisme ne saurait se confondre davantage avec celle de providence, c’est-à-dire avec elle d’une nécessité relevant d’un gouvernement divin. Or là aussi les élèves de la classe de philosophie ont tendance à confondre déterminisme et providence. Autant les événements relevant du destin arrivent sans raison – le destin d’Œdipe peut paraître insensé – autant les événements relevant de la providence arrivent selon des raisons établies par Dieu, mais connues de Lui seulement. La notion de providence n’est pas plus scientifique que celle de destin. Mais les grands de la science moderne, de Descartes, Leibniz, Newton à Einstein, ont supposé ou étaient tentés de supposer que l’ordre mathématique du monde a été l’œuvre d’un Dieu. Cela n’a rien d’anodin.

     

  3. Ne confondons pas de manière générale déterminisme et nécessité. Il est nécessaire que la racine carré de 9 soit 3 ; on ne dit pas pour autant que le fait de calculer la racine carrée de 9 détermine l’avènement du 3, comme on dit que le fait de chauffer de l’eau est la cause déterminante de sa transformation en vapeur. De même qu’en mathématiques une nécessité relie implacablement des principes à leurs conséquence, de même en physique une nécessité relierait implacablement des causes à leurs effets. Non, les mathématiques sont une chose, la physique en est une autre, les mathématiques ont affaire à des idéalités, la physique à la réalité, et sauf à oublier que la physique est une science expérimentale, il est difficile de prétendre que les réalités que la physique tente de rendre intelligibles en s’appuyant sur les mathématiques ne sont finalement que des idéalités.

     

    Comme le dit Hume : « Tous les objets de la raison humaine ou de nos recherches peuvent se diviser en deux genres, à savoir les relations d’idées et les faits ». Les mathématiques mettent en relation des idées à savoir des nombres, des grandeurs, en démontrant par exemple que la racine carré de 9 est 3, ou que le carré de l’hypoténuse d’un triangle rectangle est égal à la somme des carrés de ses côtés adjacents ; il est impossible logiquement qu’il en soit autrement ; la négation de ces propositions est exclue. La physique quant à elle met en relation des faits ; or « Le contraire d’un fait quelconque est toujours possible », dit Hume, de sorte que rien ne m’interdit, dans l’absolu, d’affirmer par exemple que « le soleil ne se lèvera pas demain ». [3]

 

Ces confusions respectives entre déterminisme et destin, entre déterminisme et providence divine, et enfin entre nécessité logico-mathématique et déterminisme physique aboutissent chacune à la négation de la contingence – sans laquelle la liberté humaine n’a pas de sens – et à la négation de l’existence du hasard dans la nature. Ne peut-on donner un statut scientifique au hasard et à la contingence sans tomber dans l’indéterminisme ?

 

Pour tenter d’y voir plus clair, entreprenons d’abord un petit travail historique et critique, remontant aux origines , métaphysiques en réalité, de l’idée d’un déterminisme absolu dans la nature, remise en question aujourd’hui, malgré encore de nombreuses résistances.

 

1. Déterminisme et mécanisme

 

1.1. Causes et lois

 

Selon le postulat déterministe de la science, il existe un lien de nécessité entre des causes déterminées et des effets déterminés. Reprenons la formule de Claude Bernard : « la condition d’un phénomène une fois connue et remplie, le phénomène doit se reproduire toujours et nécessairement ». Autrement dit : si on a A, on a nécessairement B ; on a affaire à une relation apodictique « si… alors… », « if… then… », qui ne souffre aucune exception. En physique ou en médecine on est amené à dire : A est la cause nécessaire de B. Le refroidissement de l’eau à 0 degré Celsius a pour effet sa transformation en glace, le manque de telle vitamine a tel ou tel effet sur l’organisme. René Thom dit que « l’exigence du déterminisme s’exprime dans le principe de raison suffisante : Rien n’arrive sans cause » [4]. On associe spontanément les notions de déterminisme et de causalité. Einstein écrit par exemple que :

 

 

« Le savant, convaincu de la loi de la causalité de tout événement, déchiffre l’avenir et le passé aux mêmes règles de nécessité et de déterminisme. » [5]

 

 

Mais la notion de causalité ne va pas de soi, comme l’avait remarqué finement Hume : je constate une conjonction constante entre un phénomène A et un phénomène B, mais que sais-je de ce qui se passe dans la nature au point de dire que A est la cause nécessaire de B ? D’où sa remarque :

 

 

« La nécessité est quelque chose qui existe dans l’esprit, mais non dans les objets ; il nous est impossible d’en former une idée, même lointaine, si nous la considérons comme une qualité des corps. » [6]

 

 

C’est que la science serait plus descriptive qu’elle n’est explicative : je constate un lien de nécessité entre A et B (si on a A alors on a B), plus qu’elle ne dit pourquoi A entraîne nécessairement B. En mettant en question l’idée de causalité Hume avait en tête, en réalité, la loi d’attraction universelle de Newton dont la découverte forçait l’admiration de tous les esprits de l’époque. Cette loi établit un rapport mathématique entre des masses et des distances : les corps sont attirés en raison directe de leur masse et en raison inverse du carré de leur distance. Mais qui cause quoi dans cette relation ? La notion d’attraction reste mystérieuse à vrai dire, et beaucoup à l’époque, et par exemple Leibniz, ont reproché à Newton son emploi. Newton confessait qu’il ne savait pas pourquoi la loi de la gravitation universelle était telle ; on connaît son fameux non fingo hypotheses : je ne forge pas d’hypothèses pourquoi il est en ainsi et pas autrement, hypothèses dont on serait incapable de vérifier expérimentalement la validité.

 

Le fondateur du positivisme, Auguste Comte, pensait justement que la science moderne (la science newtonienne) nous permettait de nous passer définitivement de la fiction de cause – qui serait comme un résidu de « l’âge théologique » ou de « l’âge métaphysique » :

 

 

« La révolution fondamentale qui caractérise la virilité de notre intelligence consiste essentiellement à substituer partout, à l’inaccessible détermination des causes proprement dites, la simple recherche des lois, c’est-à-dire des relations constantes entre les phénomènes observés. Qu’il s’agisse des moindres (…) effets, de choc et de pesanteur (…), nous n’y pouvons vraiment connaître que les diverses liaisons mutuelles propres à leur accomplissement, sans jamais pénétrer le mystère de la leur production. » [7]

 

 

Russell soulignait également le caractère archaïque à ses yeux de la notion de cause :

 

 

« Tous les philosophes, de n’importe quelle école, imaginent que la causalité est l’un des axiomes ou postulats fondamentaux de la science, alors que, singulièrement, dans des sciences aussi développées que l’astronomie de la gravitation, le mot « cause » n’apparaît jamais. (…) La raison pour laquelle la physique a cessé de chercher les causes est que, en fait, il n’en existe pas. La loi de causalité, à mon sens, comme beaucoup des idées qui circulent parmi les philosophes, est une relique d’un âge disparu, lui survivant comme la monarchie, seulement parce qu’on suppose à tort qu’elle ne provoque pas de dégâts… » [8]

 

 

Dans le sillage de Russell, Wittgenstein affirme dans son œuvre de jeunesse, le Tractatus logico-philosophicus : « La croyance au rapport de cause à effet est de la superstition. » [9]

 

La notion de causalité serait précisément du registre de la métaphysique, mais non de la science. Toute explication physique de l’émergence d’un phénomène, cherchant à dévoiler le pourquoi de son apparition, à en décrypter la cause, est réductible en réalité à la description mathématique d’un rapport entre des grandeurs données. Rappelons qu’une loi physique établit un rapport constant et nécessaire entre des variables déterminées, mesurables et quantifiables, mathématiquement formulable.

 

Nous voyons pourtant, à l’encontre de ce que dit Russell, que des grands noms de la science – Claude Bernard, Poincaré, ou Einstein – associent spontanément les notions de déterminisme et de causalité. Peut-être, en effet, une confusion s’installe-t-elle subrepticement quand on met sur le même plan nécessité de la soumission à une loi et détermination nécessaire de tel effet par telle cause. Il nous faut donc commencer par élucider la notion de cause.

 

1.2. Du rejet problématique de la notion de cause

 

Nietzsche dit fort bien les raisons de notre possible suspicion à l’égard de la notion de cause. Il en souligne le caractère anthropomorphique : l’homme projette dans la nature l’expérience subjective d’être la cause de ses actes quand il use de sa volonté. Je veux soulever mon bras, je suis donc la cause du fait de lever mon bras : le moi (le sujet), mieux ma volonté, mieux encore les motifs de ma volonté (ma raison) sont les causes de mon action. On fait ainsi du moi (conscient, volontaire, raisonnable) une chose, un être à l’origine d’une action [10]. (Rappelons qu’étymologiquement cause et chose ne sont jamais que le même mot ; le terme chose vient du mot latin causa). L’homme projette dans la nature des êtres derrière des événements, des substrats derrière des manifestations, des agents derrière des actions, des choses derrière des phénomènes dont ils seraient les produits. Écoutons Nietzsche :

 

 

« De même en effet que le peuple distingue la foudre de son éclat et prend ce dernier pour une action, pour l’effet causé par un sujet qui s’appelle foudre, de même la morale populaire distingue la force de ses manifestations, comme si l’homme fort cachait un substrat neutre, auquel il serait loisible de manifester ou non de la force. Un tel substrat n’existe pas ; il n’existe pas d’être au-dessous de l’action, de l’effet, du devenir, « l’agent » n’est qu’ajouté à l’action – l’action est tout. (…) les savants ne font pas mieux en disant “la force fait mouvoir, la force produit un effet”. » [11]

 

 

Nietzsche laisse entendre que si l’univers est un ensemble de manifestations, voire un jeu de forces agissantes, il est tout entier dans ces manifestations et ce jeu de forces, sans qu’on doive y trouver de « sujets » responsables de ces manifestations, qu’il s’agisse de dieux, de corps, d’atomes [12]. Tout ce qui arrive dans le monde arrive sans cause.

 

Mais regardons la conséquence d’une telle affirmation : le retour, chez Nietzsche, à une conception antique du destin. Car le destin, le fatum est sans raison. Hasard et fatalité finissent par se rejoindre. Nietzsche, en faisant part de sa vision quasi-mystique (à coup sûr métaphysique) de l’éternel retour du même, affirme l’existence d’un destin implacable auquel il faut avoir la force de dire oui. Nous voilà très loin de la pensée scientifique. Une vision scientifique déterministe rigoureuse ne saurait faire l’économie de la notion de cause, au risque de tomber dans le fatalisme.

 

C’est que Nietzsche réduit le sens du mot cause à celui d’intention, de cause finale. C’est ce que nous avons tendance spontanément à faire : ne dit-on pas que tel virus est « responsable » de telle maladie, par exemple. Ne nous laissons pas piéger par la langue naturelle. Devons-nous abandonner la notion de cause, en raison du sens finaliste que nous lui donnons spontanément ?

 

Le terme cause a de multiples sens en vérité, autres que celui de cause intentionnelle et finale. On peut dire que l’interposition de la Terre entre la Lune et le Soleil, par exemple, est la cause d’une éclipse de Lune : il y a une conjonction ici entre la position de trois corps, qui se retrouvent dans le même alignement, et puis une éclipse de Lune (pour les habitants de la Terre) ; cet alignement des astres a pour effet que la Terre fait de l’ombre à la Lune. Mais il y a simplement simultanéité de deux événements : alignement des astres d’un côté, éclipse de l’autre. On explique par cet alignement le pourquoi d’une éclipse de Lune, mais la raison invoquée est logique. Elle est l’effet d’une loi, celle de la gravitation universelle. Nous pouvons suivre ici Russell.

 

Mais la loi de Newton suppose bel et bien des forces en jeu qui ont des effets déterminés, et donc des causes physiques. Ainsi l’interaction de la Lune et la Terre a pour effet le phénomène des marées. L’idée de cause implique celle de l’action d’un agent sur un corps qui en subit les effets. On peut ainsi parler de l’action de la mer sur des roches qui finit par les éroder ; ou du déplacement de plaques tectoniques qui a pour conséquence l’émergence d’un séisme dans telle région.

 

La médecine, voire la psychologie, en tant que sciences, donnent bien à penser de façon générale qu’une cause produit un effet : un médicament agit sur le corps, des antibiotiques éliminent des bactéries ; l’absorption d’un poison a bel et bien des effets sur un organisme, éventuellement des effets mortels. De même en psychologie, on est amené à parler des effets d’un traumatisme subi dans une vie, par exemple durant l’enfance : le traumatisme agit puissamment, tel un poison.

 

En réalité la notion de cause s’impose aussi en physique, entre autres aujourd’hui en astrophysique, quand on explique, par exemple, la mort d’une étoile par l’épuisement de son combustible nucléaire au bout de quelques milliards d’années, et qu’on explique pourquoi elle est devenue ou deviendra une étoile à neutrons plutôt qu’une naine blanche, etc. Lorsque Russell dit, que « dans des sciences aussi développées que l’astronomie de la gravitation, le mot cause n’apparaît jamais », il se réfère à la mécanique newtonienne dominante encore au début du XXe siècle. La découverte du caractère étonnamment dynamique d’un univers en expansion, avec son histoire mouvementée depuis le big bang, avec ses transformations incessantes en son sein, a bouleversé la donne. Autant une loi est intemporelle, autant les relations de cause à effet, en physique comme en biologie, s’inscrivent dans une dynamique temporelle.

 

De manière générale, les relations de causes à effet impliquent une dynamique irréversible et non une mécanique immuable. Déjà Kant faisait valoir contre Leibniz que les rapports de cause à effet s’appliquent au champ temporel de l’expérience et ne sauraient se réduire à des relations logico-mathématiques établies de toute éternité.

 

1.3. La naissance de la science moderne et le rejet des « causes finales ».

 

Une cause agissante n’est pas nécessairement finalisée. En réalité Nietzsche – tout comme Comte ou Russell – s’inscrit dans l’horizon du développement de la science moderne qui a tourné le dos à tout une physique héritée d’Aristote faisant de la poursuite de fins bonnes par la nature la cause réelle des processus physiques ou vivants.

 

En biologie, par exemple, la fonction que remplit un organe au sein d’un organisme serait la cause de son émergence : la nature, telle une artiste, a rendu possible l’existence de l’œil dans un organisme et ce afin qu’il voie. La fonction crée l’organe. Mais la physique et la cosmologie aristotéliciennes – est-il besoin de le rappeler ? – étaient aussi entièrement régies par des causes finales : la raison d’être d’un mouvement, dans le monde sublunaire, et par exemple sur Terre, est la fin qu’il poursuit, à savoir le repos. C’est ainsi qu’un corps terrestre retombe naturellement au sol, car son état naturel est d’être au repos sur Terre, elle-même au repos au centre du monde ; et qu’il faut une force pour sortir un corps terrestre de son état naturel de repos – pensait Aristote.

 

La physique moderne au contraire ne cherche plus à savoir quelle est la finalité d’un mouvement, elle établit la nature du mouvement (de la chute des corps, par exemple) ; de même la médecine a commencé à prendre le chemin de la science en ne présupposant pas quelle doit être la fin ou la fonction de tel organe (par exemple du cœur, comparé à un feu central censé réchauffer le corps, selon la médecine antique), mais en cherchant d’abord à savoir comment il fonctionne, à établir la nature de son mouvement (celui du cœur, par exemple, est comparé par Harvey et Descartes à celui d’une pompe happant et relâchant le sang).

 

Comme le dit fort bien Spinoza : jusque-là on n’avait jamais cherché qu’à s’enquérir des causes finales des choses « si la mathématique, occupée non des fins mais seulement des essences et des propriétés des figures, n’avait fait luire devant les hommes une autre norme de vérité (…) » [13]. L’émergence d’une nouvelle physique mathématique, dont Galilée et Descartes ont jeté les bases, a permis de rompre définitivement avec l’aristotélisme.

 

Certes pour Platon aussi la nature est descriptible mathématiquement, mais c’est parce que le monde a été ordonné intelligemment divinement – de la meilleure manière possible ; le dialogue du Timée en témoigne. Pour Spinoza la nature est intelligible mathématiquement, mais en étant indifférente aux fins poursuivies par l’homme ou par un Dieu anthropomorphe, au désir humain de ce qui nous paraît bon ou mal, et même à ce qui paraîtrait bon à un Dieu.

 

Spinoza fustige la formule aristotélicienne : « la Nature ne fait rien en vain ». « Cette doctrine finaliste renverse la nature. Car elle considère comme effet ce qui, en réalité, est cause. En outre, elle met après ce qui est de nature avant » - dit-il [14]. Prenons l’exemple classique de la formation de l’œil. La faculté de voir est l’effet de la formation de l’œil et non sa cause ; ce qui vient après, à la fin, est posé par les finalistes comme étant là avant. Ce n’est pas pour voir qu’on a des yeux, mais c’est parce qu’on a des yeux que l’on voit. De même ce n’est pas pour voler que les oiseaux ont des ailes, mais c’est parce qu’ils ont des ailes qu’ils volent. Lucrèce le disait déjà : « Rien ne s’est formé dans le corps pour notre usage, mais ce qui s’est formé on en use ». [15]

 

La science moderne a contribué à ce qu’on entende par « causes » des causes mécaniques seulement, et non plus des cause finales, intentionnelles. Elle se contente d’expliquer seulement ce par quoi (ce à cause de quoi) une chose advient, et non ce pour quoi (ce en vue de quoi) elle advient. Elle est déterministe en tant qu’elle est « mécaniste ».

 

1.4. Le paradigme du mécanisme

 

Spinoza est présenté traditionnellement comme le philosophe du déterminisme par excellence. En réalité c’est une conception mécaniste de la nature, dans la lignée de Descartes, que Spinoza défend (mais en ne reprenant pas à son compte l’idée que Descartes se faisait du libre pouvoir de l’âme sur la mécanique du corps). L’homme se croit libre parce qu’il pense que c’est la fin qu’il poursuit consciemment qui est la cause de son action, quand en réalité elle est l’effet de causes (mécaniques) dont il n’est pas nécessairement conscient : « les hommes ont conscience de leurs appétits et ignorent les causes qui les déterminent » [16]. Le mécanisme exclut la liberté – et c’est ce que soulignent des philosophes du XVIIIe siècle comme Kant, ou Diderot dans Jacques le Fataliste – parce qu’il rend le déterminisme absolu.

 

Mais que faut-il donc entendre par mécanisme ? Mécanisme vient du terme grec méchanè qui signifie « machine, engin, invention ingénieuse », au sens figuré « ruse, machination ». Le modèle auquel on se réfère traditionnellement au XVIIe et XVIIIe siècles pour appréhender la nature est celui de la machine. Songeons à « l’animal-machine » de Descartes. Et la machine de prédilection à laquelle on compare la nature est l’horloge ou la montre. Écoutons Descartes :

 

 

« Je ne reconnais aucune différence entre les machines que font les divers artisans et les divers corps que la nature seule compose, sinon que les effets des machines ne dépendent que de l’agencement de certains tuyaux, ou ressorts, ou autres instruments, qui, devant avoir quelque proportion avec les mains de ceux qui les font, sont toujours si grands que leurs figures et mouvements se peuvent voir, au lieu que les tuyaux et ressorts qui causent les effets des corps naturels sont ordinairement trop petits pour être aperçus de nos sens. Et il est certain que toutes les règles des mécaniques appartiennent à la physique, en sorte que toutes les choses qui sont artificielles, sont avec cela naturelles. Car, par exemple, lorsqu’une montre marque les heures par le moyen des roues dont elle est faite, cela ne lui est pas moins naturel qu’il est à un arbre de produire ses fruits. » [17]

 

 

Remarquons que l’horloge est le paradigme auquel Einstein continue de se référer :

 

 

« Dans l’effort que nous faisons pour comprendre le monde, nous ressemblons quelque peu à l’homme qui essaie de comprendre le mécanisme d’une montre fermée. Il voit le cadran et les aiguilles en mouvement, il entend le tic-tac, mais il n’a aucun moyen d’ouvrir le boîtier. S’il est ingénieux il pourra se former quelque image du mécanisme réel. » [18]

 

 

Mais on oublie que le modèle de la machine ou de la montre pour penser le fonctionnement de la nature est tout aussi anthropomorphique que celui de l’art auquel Aristote comparait la nature en général. Une machine a besoin elle aussi d’un artisan et pour être conçue et pour être réalisée. La machine du monde est donc l’œuvre d’un artisan divin. On se souvient de la formule de Voltaire : « L’univers m’embarrasse, je ne puis songer que cette horloge existe et n’ait point d’horloger ». Or l’homme construit généralement une machine pour servir des fins : on construit une horloge ou une montre pour montrer l’heure. Le modèle mécaniste reste en réalité implicitement finaliste, alors même qu’on l’oppose traditionnellement à un modèle vitaliste explicitement finaliste. Certes, selon Spinoza, la machine de la nature n’a pas été créée en vue de remplir une fin désirée par Dieu, encore moins pour satisfaire les désirs des hommes ; elle se déploie selon la perfection de la nécessité divine. Mais partant, elle exclut totalement le hasard. « Nous n’appelons des choses contingentes qu’en raison de l’insuffisance de notre connaissance » - dit Spinoza. [19]

 

Comme l’affirme Voltaire : « Ce que nous appelons hasard ne peut être que la cause ignorée d’un effet connu ».Cette implacable nécessité est bien exprimée par le baron d’Holbach, en chantre du mécanisme, dont le paradigme est dominant au XVIIIe siècle :

 

 

« Dans un tourbillon de poussière qu’élève un vent impétueux, quelque confus qu’il paraisse à nos yeux, dans la plus affreuse tempête excitée par des vents opposés qui soulèvent les flots, il n’y a pas une seule molécule de poussière ou d’eau qui soit placée au hasard, qui n’ait sa cause suffisante pour occuper le lieu où elle se trouve et qui n’agisse rigoureusement de la manière dont elle doit agir. Un géomètre qui connaîtrait exactement les différentes forces qui agissent dans ces cas et les propriétés des molécules qui sont mues, démontrerait que, d’après des causes données, chaque molécule agit précisément comme elle doit agir et ne peut agir autrement qu’elle ne fait. » [20]

 

 

Et, en effet, si la nature est comparée à une machine, aucune des pièces, aucun des rouages de la machine nature ne peut avoir été placé par hasard, et ce pour que la machine « fonctionne » impeccablement, c’est-à-dire remplisse sa « fonction ». La moindre partie, aussi minuscule qu’elle soit, tient son rôle au sein de la machine ; et chacune est indispensable au tout de la machine, pour qu’elle serve au mieux la fin pour laquelle elle a été conçue et réalisée. En fait, remplacer les causes finales par les seuls causes mécaniques revient à faire jouer aux causes mécaniques le rôle de causes finales au service d’une machine. L’exclusion du hasard de la nature provient d’un modèle qui reste en réalité téléologique et implicitement théologique.

 

1.5. De l’idée de lois de la nature à l’idée d’un déterminisme absolu

 

Quand Spinoza dit que les hommes s’en seraient tenus à la croyance que les vraies causes sont les causes finales « si la mathématique, occupée non des fins mais seulement des essences et des propriétés des figures, n’avait fait luire devant les hommes une autre norme de vérité », il le dit en disciple enthousiaste de Descartes et de son projet d’une application universelle des mathématiques à l’étude de la nature, tel qu’il expose dans le Discours de la Méthode :

 

 

« Ces longues chaînes de raisons, toutes simples et faciles, dont les géomètres ont coutume de se servir, pour parvenir à leurs plus difficiles démonstrations, m’avaient donné l’occasion de m’imaginer que toutes les choses qui peuvent tomber sous la connaissance des hommes, s’entre-suivent en même façon. » [21]

 

 

Descartes pense que les mathématiques doivent s’étendre à des domaines qui dépassent le cadre de ses objets spécifiques, arithmétiques ou géométriques. Il a précisément étendu l’algèbre à la géométrie, mis au point la méthode des coordonnées, simplifié les méthodes de démonstration, et contribué ainsi à la fécondité des mathématiques, envisagées comme méthode universelle (mathesis universalis).

 

Mais c’est Galilée qui a tracé la voie vers une mathématisation de la nature, les mathématiques permettant de déchiffrer le livre de la nature, selon la fameuse formule de l’Essayeur (Il Saggiatore), qu’il est bon de rappeler ici :

 

« La philosophie est écrite dans cet immense livre qui se tient toujours ouvert devant nos yeux, je veux dire l’Univers, mais on ne peut le comprendre si l’on ne s’applique d’abord à en comprendre la langue et à connaître les caractères avec lesquels il est écrit. Il est écrit dans la langue mathématique et ses caractères sont des triangles, des cercles et autres figures géométriques, sans le moyen desquels il est humainement impossible d’en comprendre un mot. » [22]

 

 

Les mathématiques deviennent la clé de la compréhension du monde. L’espace physique à partir de Galilée se confond avec l’espace euclidien susceptible d’être infini (alors que le cosmos d’Aristote et de Ptolémée est clos), isotrope (il est le même dans toutes les directions, il n’a ni haut, ni bas, ni centre). La géométrisation de la nature permet de percevoir le rapport entre des grandeurs isolables dans l’expérience (en idéalisant l’expérience, en imaginant le vide, par exemple), et aussi à en percevoir les constances, et ce en faisant intervenir un paramètre, celui du temps : les rapports entre des grandeurs restent les mêmes dans le temps. Ainsi Galilée met en rapport l’espace parcouru par un corps en chute libre depuis une hauteur donnée, et le carré du temps (h = ½ g t2). Descartes géométrise de même l’expérience : il pose a priori, par exemple, que la lumière se déplace en ligne droite, et il donne ainsi une des premières lois de l’optique : sin i = n sin r (le sinus de l’angle d’incidence est égal à n sinus de l’angle de réfraction, n variant selon le milieu dans lequel la lumière se réfracte).

 

La mathématisation de la nature a entraîné l’émergence de l’idée de lois de la nature. Un des premiers à avoir établi une « loi » mathématique de la nature, en réalité, c’est Archimède, qui a su mettre en rapport une masse volumique d’un corps avec la masse volumique d’eau correspondant. Il m’emploie pas certes le terme de loi, pas plus que Galilée ne parle de loi de la chute des corps quand il nous explique « que les espaces parcourus (par un mobile à partir du repos) sont entre eux comme les carrés des temps » [23]. C’est Descartes qui est un des premiers à user du terme juridique de « loi » pour l’appliquer au domaine de la nature :

 

« Mais je ne laisserai pas de toucher en ma physique plusieurs questions métaphysiques, et particulièrement celles-ci : Que les vérités mathématiques, lesquelles vous nommez éternelles, ont été établies de Dieu et en dépendent entièrement, aussi bien que tout le reste des créatures. C’est en effet parler de Dieu comme d’un Jupiter ou d’un Saturne, et l’assujettir au Styx et aux destinées, que de dire que ces vérités sont indépendantes de lui. Ne craignez point, je vous prie, d’assurer et de publier partout, que c’est Dieu qui a établi ces lois en la nature, ainsi qu’un roi établit des lois en son royaume. » [24]

 

 

Les lois naturelles dont parle Descartes concernent les mathématiques ; mais comme elles s’appliquent à tout ce qui dans l’étude de la nature est susceptible d’être mathématisé, elles possèdent donc aussi un sens physique.

 

Il faut attendre Newton, à notre connaissance, pour que soit employé le terme de lois au sens de lois physiques, dans les Principia [25]. Montesquieu, en définissant les lois, au début de L’Esprit des lois, comme « des rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses », consacre le sens nouveau du terme de lois, aux vertus descriptives, alors que le sens originel, juridique, du terme de lois, y compris de lois de la nature placées au-dessus des lois positives (comme chez Thomas d’Aquin ou Locke), possède un sens essentiellement normatif, en imposant aux hommes des obligations. On peut transgresser une obligation, on n’échappe pas à la nécessité.

 

Le terme de lois de la nature, au sens physique du terme, est bien à la source d’une conception déterministe de la nature. Montesquieu tente de mettre en évidence, par exemple, une relation de nécessité entre le climat d’une nation, ses contraintes géographiques, le poids aussi de son histoire, et puis sa constitution, ses lois (juridiques), ses coutumes. Montesquieu suggère déjà l’idée d’un déterminisme dans le champ de ce qu’on appellera plus tard les sciences humaines (sociologie, histoire...). Certes il s’agit d’un déterminisme plus souple que celui qui va s’imposer dans les sciences dures, en physique en particulier, puisque le moindre phénomène naturel ne saurait échapper aux lois physico-mathématiques qui régissent la nature.

 

« Il n’y a de science que du nécessaire », disait Aristote. Mais comment en est-on arrivé à l’idée d’une nécessité telle que rien dans la nature ne puisse advenir autrement qu’il n’arrive ? Aristote l’admettait pour le monde supralunaire mais non pour le monde sublunaire où la contingence se mêlait à la nécessité. Or Galilée a fait descendre la nécessité qui régnait jusque-là seulement dans le ciel sur la terre : les lois de la physique sont universelles. La contingence est exclue aussi du monde ici-bas.

 

Et comment passe-t-on de l’idée de lois à celle d’une nécessité intégrale de tout ce qui peut se dérouler dans le monde ? C’est que, s’il existe une législation de la nature, elle présuppose un législateur de la nature, comme le suggère explicitement Descartes. Dans ce cas, quel événement pourrait échapper à la connaissance ou à la volonté de Dieu ?

 

Il apparaît en tout cas qu’aucun des grands noms de la physique moderne naissante ne peut s’empêcher d’invoquer Dieu à l’origine des lois de la Nature, soit comme un Être transcendant, ainsi chez Descartes ou Leibniz, soit comme un Être immanent à la nature, ainsi chez Spinoza. Quant à Newton, il invoque aussi Dieu, sans la moindre hésitation, pour rendre compte des lois de la nature lui assurant sa cohérence :

 

 

« La merveilleuse constitution de l’univers avec son harmonie incomparable n’a pu se faire que selon les plans d’un d’être omniscient et tout-puissant. Cela demeure ma plus haute et ultime conviction. » [26]

 

 

Einstein qui se déclarait spinoziste, dit à son tour…

 

 

« ...s’étonner devant l’harmonie des lois de la nature dévoilant une intelligence si supérieure que toutes les pensées humaines et toute leur ingéniosité ne peuvent révéler, face à elle, que leur néant dérisoire ». [27]

 

 

En réalité tous ces auteurs, qu’il s’agisse de Galilée, de Spinoza, de Leibniz ou d’Einstein, sont des héritiers de Platon : « le dieu a façonné le monde en géomètre », est-il dit dans le Timée.

 

On comprend que lorsqu’on évoque le déterminisme à propos de la science moderne, il ne soit pas totalement pur de toute conception providentielle de la nature, ou de tout présupposé théologique. La coupure entre la philosophie et la théologie, si prégnante au Moyen-Âge, ne s’est pas faite en un jour. Selon Platon, l’intelligence doit aller au-delà des apparences sensibles pour contempler l’ordre divin de la nature visible à une intelligence mathématique, l’idéal ayant plus de réalité que la réalité empirique. Certes Platon dédaignait les leçons de l’expérience, à la différence d’un Galilée, d’un Kepler ou d’un Newton... Du moins fallait-il penser des conditions idéales d’expérience, pour pouvoir la mathématiser, comme l’a fait magistralement Galilée ; dès lors les pionniers de la science moderne étaient tentés de penser que le réel véritable, par delà une expérience trompeuse, était mathématique – ce qui est bel et bien platonicien. D’où le risque de confondre des relations de nécessité logico-mathématique et des relations nécessaires de cause à effet. Hume nous met en garde de ne pas les confondre. Par conséquent, que doit-on entendre par déterminisme, une fois délivré de tout atavisme platonicien ou théologique ?

P.-S.

 

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Notes

[1Introduction à la médecine expérimentale (1865), G.F. (1966), p. 109.

[2Dernières pensées (1913), chap. 8.

[3Enquête sur l’entendement humain, section IV.

[4La querelle du déterminisme, ouvrage collectif, éd. Gallimard, 1990, p. 267.

[5Comment je vois le monde, Flammarion, 1979, p. 20.

[6Traité de la nature humaine, I, Part. 3, section 14.

[7Discours sur l’esprit positif, Vrin (1974), p. 25-26.

[8« Of the notion of cause », Proceedings of the Aristotelian Society. Pelican Books. p. 171 (1953), traduit par Georges Bourgin in Philosophie 2006/2 (n° 89), p. 3.

[9Tractatus logico-philosophicus, § 5.136.1 (éd. Gallimard. coll. Idées, p. 109).

[10Cf. Crépuscule des Idoles, « les quatre grandes erreurs », § 3.

[11Généalogie de la Morale, I, § 13.

[12« Et même votre atome, messieurs les physiciens et les mécanistes, combien de psychologie rudimentaire y repose encore » (Crépuscule des Idoles, « les quatre grandes erreurs », § 3).

[13Éthique I, Appendice.

[14Ibidem.

[15De natura rerum, IV, v. 835-836.

[16Lettre à Schuller, 1667.

[17Les Principes de philosophie, IV, § 203.

[18Albert Einstein et Léopold Infeld, Évolution des idées en physique, Payot (1963), p. 34.

[19Éthique, I, prop. XIII, scolie.

[20Le système de la Nature, éd. Fayard, 1990, p. 84-85.

[21Discours de la méthode, II, Vrin (1970), p.71.

[22Citation extraite de C. Chauviré, L’Essayeur de Galilée, Les Belles Lettres, 1980, p.141.

[23"Seconde journée" du Dialogue sur les deux grands systèmes du monde (Seuil, 1992, p. 360).

[24Lettre au Père Mersenne du 15 avril 1630.

[25Suite aux définitions en tête des Principia sont présentés « les axiomes et lois du mouvement ».

[26Principia, III, scholie général.

[27Comment je vois le monde, éd. Flammarion (1979) p. 20.

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