Apprendre à penser par l’image et l’analyse de fictions
Nous présupposons que l’image pense ou « donne à penser » : par le scénario, l’histoire, le montage, les personnages et les péripéties.
La fiction est un effort d’expression en prise immédiate avec le monde social et psychique contemporain de l’élève. Comme le dit Toni Morrison [1] :
ce qui me fait sentir que j’appartiens à ce monde, ce n’est pas que je suis professeure, ou mère, ou amante, mais ce qui se passe dans mon esprit quand j’écris. À ce moment-là, j’appartiens au monde et toutes les choses qui sont éparses et irréconciliables peuvent être utiles. Je peux faire les choses que les écrivains disent traditionnellement qu’ils font, à savoir créer un ordre dans le chaos.
Il y a une multiplicité des usages du cinéma et des images en classe :
- Fonction culturelle : initiation à des œuvres du patrimoine cinématographique et à ce qui s’opère en elle [2].
- Fonction support : illustration d’une théorie philosophique. Par exemple : « Philosopher avec les séries » de Sandra Laugier. Il y a de nombreuses et riches ressources pour le support.
- Fonction d’apprentissage : spécificité des exemples proposés qui sont intégrés, comme de l’intérieur, à la construction d’un cours.
Mode d’emploi
Le travail en classe peut être mis en œuvre en lien avec le dispositif « Lycéens au cinéma ». Il y a de nombreuses ressources en ligne pour l’éducation à l’image, notamment sur le site du CNC.
Le travail peut être également mené en coordination avec d’autres disciplines, ou encore le CESC [3]. Par exemple sur le film Mustang et l’égalité fille-garçon ; Trainspotting et Drunk et la question de l’addiction, ou enfin Demain ou Don’t Look Up et le problème de l’environnement.
Le film est travaillé doublement par sa mise en relation avec une question philosophique et par le choix des extraits particulièrement décisifs qui seront projetés en classe. Les types de films et d’images sont très variés et le choix est fait en fonction du plaisir qu’ils procurent et de la force de l’image dans son rapport au problème posés.
Le travail sur le questionnaire se fait en groupe de 4 à 5 élèves. Il donne lieu à une évaluation. Le choix de la taille de la police est important comme la possibilité de répondre aux questions à la fin de l’heure consacrée à ce travail. Dimension opératoire et pragmatique à prendre en compte.
Exemples
- « Intouchables » d’Éric Tolédano et Olivier Nakache (2011) : « l’art réunit-il les hommes ? ». Mise en regard des textes de Charles Pépin et de Nelson Goodman.
- « Mommy » de Xavier Dolan (2014) « Être libre, est-ce faire tout ce qu’on veut ? ».
Mise en regard de la formule d’Al Kindi et du mythe de l’attelage dans le Phèdre de Platon.
- Un épisode des « Simpson », série de M. Groening depuis 1989, Saison 17, épisode 21 « Le vrai descendant du singe » (2005) : « La religion est-elle l’ennemie de la science ? ». Mise en regard, É. Durkheim, Les Formes élémentaires de la vie religieuse.
- Une scène de « Game of Thrones », saison 1, épisode 2 « La route royale » : « La sexualité humaine est-elle naturelle ? » Mise en regard de C. Lévi-Strauss, Les Structures élémentaires de la parenté et A. Comte-Sponville, Le sexe ni la mort, 2012.
- « My Sweet Pepper Land » de Hiner Saaleem (2014). Film vu intégralement. « La vengeance peut-elle être juste ? ». Mise en regard : Emmanuel Lévinas, Difficile liberté.
- Une émission de Arte, « À quoi servent les rêves ? » (2021) : « Nos rêves disent-ils la vérité ? ». Mise en regard : Freud ; extrait de « Jimmy P » d’Arnaud Despléchin (2013) ; Devereux, « Psychothérapie d’un Indien des plaines » ; Isabelle Arnulf « Une fenêtre sur les rêves ».
- Une émission Infrarouge, « Un homme presque parfait », France 2 (2012) : « À quelle condition le progrès technique est-il un progrès humain ? ». Mise en regard : G. Simondon, De l’existence des objets techniques.
- « Homo sapiens » (2003), second épisode de « Aux origines de l’humanité », trilogie de J. Malaterre : « Y-a-t-il une nature humaine ? ». Mise en regard de Rousseau, Second discours, « la perfectibilité ».
A. Chanteur.
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